Association Logéa
Dés 2008 cependant, dans un rapport remis au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, P.Nasse et P.Légeron alertaient sur le fait que « la grande variété des thèmes mis sous le vocable RPS est source d’une grande confusion. Ces thèmes recouvrent en effet les déterminants et les effets, sans distinguer entre les causes et les conséquences».
A cette confusion des termes, la notion de « risque » présente en outre l’inconvénient de susciter l’inquiétude et parfois même l’anxiété que peut faire naître le danger rattaché à ce risque, et notamment lorsqu’on songe aux conséquences parfois dramatiques et très médiatisées que certains risques psychosociaux peuvent entraîner.
A cette approche du mal-être au travail perçu comme un risque face à un danger dont il faudrait apprendre à se protéger, nous avons préféré chez Logéa une orientation résolument plus active et constructive, orientée d’emblée vers la qualité de vie au travail.
Selon l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013, « la qualité de vie au travail peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail, perçu collectivement et individuellement qui englobe :
⇨ l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail,
⇨ le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité,
⇨ un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».
Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ».
Partant de cette définition et convaincus que pour fournir un travail de qualité, chaque salarié doit effectivement pouvoir éprouver un réel sentiment de satisfaction quant à son activité professionnelle au sein d’une équipe, nous avons souhaité créer au sein de l’association une dynamique de réflexion et d’action collective en profondeur sur cette question.
Nous avons pour cela, dans le cadre d’une convention CIFRE , et en partenariat avec l’ARACT Nouvelle-Aquitaine, fait le choix de nous engager dans une recherche-action animée par un doctorant du Centre Max Weber de l’université Lyon 2, et qui a pour titre :
« Ethique de la puissance d’agir et qualité de vie au travail en secteur médico-social ».
Lancée en mai 2016 et planifiée pour une durée de trois ans, la recherche est actuellement mise en œuvre avec deux équipes volontaires dans deux établissements de l’association, auxquelles se sont aujourd’hui ajoutés les professionnels des différents services présents au sein du siège social.
Le choix méthodologique de la recherche-action est pour nous fondé sur la conviction que d’une part, un travail en profondeur n’est réalisable que sur le long terme, et que d’autre part, l’engagement volontaire et la participation active des professionnels dans un rapport de coopération avec le chercheur est une condition majeure pour la réussite de la démarche. La méthode ethnologique mise en œuvre a en effet permis au chercheur de passer plusieurs mois sur le terrain en situation « d’observation participante », de créer ainsi une relation de confiance en partageant le quotidien des professionnels et l’activité qui est la leur, mais aussi et surtout d’être à l’écoute de leurs satisfactions et insatisfactions, préoccupations et difficultés.
Par ailleurs, et de la même façon que l’ANESM considère « l’éthique» comme un fondement pour l’ensemble de ses recommandations, la recherche-action est abordée dans le cadre d’une orientation fondamentalement éthique. Il n’est donc pas question à travers la restitution de «l’état des lieux » prévu dans la démarche, de porter des jugements de nature morale ou de compétence sur les professionnels concernés, quelques soient leurs fonctions. Ce qui est donc pris en considération dans l’analyse des insatisfactions ne relève donc pas de la qualité ou des compétences de chacun des professionnels, mais de la nature et de la qualité des rapports qu’ils créent entre eux.
L’état des lieux restitué aux équipes a donc été traduit sous la forme des attentes et demandes des professionnels susceptibles de favoriser leur qualité de vie au travail, de façon à ce que dans un deuxième temps, des « groupes projets » constitués de volontaires au sein des équipes puissent proposer des solutions concrètes aux attentes ou demandes exprimées.
Ces groupes projets sont aujourd’hui constitués et actifs au sein des établissements, faisant preuve d’un réel engagement, et d’un dynamisme certain. Un travail est par ailleurs volontairement engagé par les équipes d’encadrement pour s’approprier le sens de la démarche, lui donner corps, la soutenir et la faire vivre après le départ du chercheur.
Pour les uns et les autres, et bien au-delà de simples solutions techniques, il s’agit par ce travail collectif sur la qualité de vie des professionnels, de créer une culture partagée du prendre soin dans la cadre d’une éthique du care et de la vulnérabilité. Dans nos relations aux résidents, aux familles, aux partenaires et tout autant à nos collègues, nous souhaitons considérer cette vulnérabilité comme une valeur marquant du sceau de l’interdépendance la nature des rapports humains.
Si un des traits culturels les plus puissants de notre société tend à isoler les individus dans un agir stratégique visant une finalité propre à chacun, il ressort au contraire des demandes et attentes exprimées par les professionnels dans le cadre de la recherche-action, le désir affirmé d’assumer leur part de vulnérabilité au bénéfice de l’équipe. En créant des rapports animés par un agir inter-compréhensif visant une finalité collective dans la coopération, bien au-delà de la qualité de vie au travail, c’est la qualité du travail et la performance qui sont directement concernées.